
Sachons reconnaître la joie,
Sachons la distinguer
Comme elle surgit parfois
Sans paraître aux aguets.
Allons ne pas confondre
Élan d’ébriété
Avec une joie profonde
Âprement suscitée.
Il faut pouvoir dépareiller
Ce court instant de vie radieuse
Où l’on s’éprend d’être égayé.e,
D’un saut de dépression nerveuse.
La joie n’est pas une décompensation,
Elle sait combler, sans faire occultation
Rien qu’au sourire, éclot la distinction
Entre démence et pure exaltation.
Vois comme on rit autour en ces jours-ci,
Pour tromper l’anxiété d’un trait grossi ;
On pisse un territoire à grands coups d’hystérie,
Et ceux qui prennent écart en sont de fait aigris.
Sachons la reconnaître à soi,
Qui nous est propre, cette joie.
Foyer d’un plus grand nombre, elle ancre à soumission
Ferveur, aux idées sombres : agrée ma dissension.
Alors sachons flatter la joie
De son impermanence aiguë
Combien si rare elle est parfois,
Prend son relief en nos vécus.
(Tableau : Pierre Soulages)