L’immuable.

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Laisser agir l’anthropologie,
Venir d’elle-même, tirer profit.
Commander puis s’asseoir, attendre,
Voilà, elle se produit.

Le dispositif est simple,
L’expérience, libre :
Un verre, un feutre, un calepin,
Sinon un livre.
Ou même à nu peut-être,
Sans le moindre effet.
L’étrangeté suffit.
La présence induit.

Par œuvre de curiosité ou vœu de confession,
Besoin irrépressible de faire intrusion.
Le rapport humain décide
En qui reçoit et qui émet.
Qui prend sur soi, et qui tout près s’assied.

Rendre pouvoir à la nécessité.
Qu’elle nous livre au hasard,
À flux d’actes manqués.
Choisir un point aléatoire,
Sans rendez-vous précis ;
Une connaissance arrive, ou nous a précédé :
Quel est ce cheminement d’où surgit l’improviste,
Improbable enchaînement
Ou franc déterminisme ?

Il faut donc ce prétexte, insignifiant
_ courrier ou simple achat,
À sortir un bagage
Éprouvé bien plus lourd.
On ne s’attendait pas,
On se découvre, même.
Et le porteur importe peu,
Tout confident ferait l’affaire.
Ou s’il apporte davantage,
En être « élu », plie à sa tâche.
On ne fuit pas nécessité,
On en devient l’habitué.

Rendre son règne à l’ancestral.
Endosser contre-emploi
D’être un esprit moderne
En butte à d’autres lois.
Bien sûr on voudrait surpasser
Sa condition humaine, évoluer
Vers idéale espèce,
Autant laisser muer.

Mais l’immuable opère,
Et se déjoue de tout progrès.
Sa preuve est quotidienne,
Au moindre vide il se recrée.

Instinct de rendre corps à l’animal.
Assumer d’être encore un peu tribal.

Se laisser désigner par intuition,
Vision de l’extérieur ou flair,
Oser, qu’elle nous révèle en intention.

Se laisser peindre en proie peut-être,
Accentuer la cible d’une croix, s’omettre
En la vertu d’un sort qui vous désigne,
Ou de l’instant qui prédestine.

À condition première en ce statut,
De n’être agi qu’envers autrui plus dépourvu.
Que son besoin ne l’ouvre à porter prédation,
À prendre au sacrifice une aimable attention.

Peut-on se refuser victime et ne vivre en chasseur ;
Cueillir ainsi l’intime à ne s’en titrer possesseur ?
Pouvoir inassouvi trouble nature, échoit à qui veut s’en combler.
On résiste au complexe du martyr en habitant son rôle à vue ciblée.

Laisser régner l’ordre des choses,
À prédominance éclairée.



(Tableau : Egon Schiele – « Lovers  Man and Woman »)

 

Ton obsession des mitaines.

Faut-il cracher ses mots dans une seringue pour piquer au plus vif ?
Faut-il s’écrouler nu dans une pissotière, afin d’écrire un seul vers décent ?
J’enlève mes mitaines, si tu remballes tes clichés.
Je déboutonne la veste, et tu deserres ton virilisme.
Si c’est trop propre pour toi, tu n’as qu’à te nettoyer un peu l’esprit.
Si tu crois voir en moi un « pédé qui veut se faire péter le c.. », c’est que j’intrigue ta libido manifestement.
Ai-je seulement à démentir ? Aucune insécurité identitaire, vestimentaire, ou hétéro-normée, ne m’atteint particulièrement. Je peux donc aussi bien jouer les ambigus cinq minutes, quitte à te rendre encore plus nerveux.
Je sais, tu as quatre enfants, tu me l’as déjà dit trois fois. C’est une tendance assez commune aux bons pères de famille noceurs du vendredi soir, sous l’excès d’un mélange whisky-coke : se raccrocher à leur situation, au foyer, aux preuves de réussites individuelles… Tu es peut-être désagréable, mais respectable en somme. J’entends comme un semi-aveu de lourdeur. Je te semi-excuse alors.

Faut-il mitrailler tel un scarface à trois cents mots la minute, pour témoigner d’une quelconque urgence de vivre ? J’apprécie ta syntaxe, et ton ambition lexicale à l’heure où la viande saoule bégaie. Mais si tu pouvais seulement te dépoudrer le nez avant d’ouvrir la bouche.
Là tu préfères ? C’est mieux ? Ça sonne moins « Mitaines et Flaubert » ? Épargne-moi la caricature du poseur de comptoir, façon café philo. J’ai sans doute moins lu que toi. Mais pour ce que tu en fais…
Et non, je ne vais pas prendre « une autre voix » plus théâtrale, ni te déclamer du Molière ou du Rimbaud. Je ne suis pas comédien, te redis-je pour la 4ème fois. C’est toi qui aurait voulu l’être. Au moins ça t’aurait appris à écouter l’autre, sans lui bouffer toutes ses répliques. Molière sous coke, ça ne me donne encore moins envie que « Les Fleurs du mal » à jeun.

Qu’est-ce que j’aimerais déclamer plutôt ? Juste lire en fait, voire chuchoter. Reed, Cohen, Morrison, Dylan, Curtis… Disons pour te situer la branche littéraire. Pas certain qu’on puisse les asseoir au même cours d’écriture honnêtement.
Lou Reed savait que le jour de sa mort, on jouerait « Walk on the wild side » en boucle, et que toi tu reprendrais trois fois des frites… On ne peut pas choquer les bonnes mœurs jusque passé 70 ans. Être étudié à l’université de son vivant, est-ce bien sérieux, lorsqu’on a écrit « Heroin, be the death of me » ?

Faut-il encore du glauque et des bas-fonds, du trash et du fouet, du « bi », du « trans », pour sonner plus réel aujourd’hui, plus autobiographique ? Tu sais, Lou Reed n’a jamais vécu à Berlin. Cohen faisait semblant dans « Dressed rehersal rag », où il surjoue son propre misérabilisme. Morrison enfant, a peut-être aperçu des indiens morts dans un accident de voiture ; quant à recevoir leurs âmes, on soupçonne un brin de mythologie post-traumatique. Dylan s’appelait Zimmerman, et John Lennon ne croit déjà plus en lui en 70 (sur la chanson « God »). Ian Curtis était marié à 18 ans, sa photo de mariage ressemble à celle d’un futur comptable enclin à mener une vie très paisible.

Tu aimes les gens qui savent se « tenir », me répètes-tu encore, pour faire contrepoids à tes relents homophobes et ton obsession des mitaines. Si tu m’avais vu trébucher sur le pavé luisant de la vieille ville l’autre soir… Je n’ai pas su me tenir. Étalage à plat, flegme un peu froissé. Les mitaines, ça protège du froid sans perdre en finesse. Mais surtout ça protège les mains quand on se vautre par terre _ car oui, ça m’arrive aussi, et ça aide derrière à se relever plus vite.
Ce je te souhaite d’ailleurs, avant de partir. Tiens-toi mieux, camarade d’un soir. Fais-moi envie.

 

(Tableau : Egon Schiele – « Portrait of Arthur Roessler »)

Des stories avec les morts.

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Faire des stories avec les morts…
Au quotidien leur rendre un corps.

Il errait en vacances,
Et là dans son jardin.
Ne voyons décadence
À liker nos défunts.

Souhaiter l’anniversaire encore
À ceux qui vous manquent au décor.

Il approchait trente ans,
Elle en aurait quarante.
Et l’on vieillit d’autant
Qu’eux restent une invariante.

À les voir en montagne
Aussi bien qu’à la mer,
Absents nous accompagnent,
Égaux d’être éphémères.

Inviter sans savoir un mort,
En cochant son profil à tort.

Réponse « intéressé ».
Curieuse indécision
Venant d’un trépassé,
Louons sa rémission.

Qu’on débranche un mourant,
Ne peut désactiver
Son réseau perdurant,
De quoi le raviver…

Mettre un selfie d’avant sa mort.
Ivre, un peu flou, mais 100 « j’adore »…

On l’ignorait souvent,
Lui comptait peu d’amis.
Elle sortait plus avant…
Que devient sa famille ?

Peut-être « on aurait dû »,
Peut-être « on n’en sait rien ».
De vie, l’on s’est perdus,
En « vues », l’on s’entretient.

Faire des stories avec les morts,
Identifier comme un remord…

(Tableau : Egon Schiele – « Death and the maiden »)

Dans mon oubli.

Egon Schiele - Holding hair

Je jette un souhait dans mon oubli.
Creux s’en résonne au fond du puits.
Vœu qui n’a donc voulu de moi,
Souffre en raison que je te noie.

Je veille à soigner mon déni.
L’horizon m’ancre à son dépit.
Vérité crue, d’un gant de soie,
Ta peau déchue je n’aperçois.

Je vise un angle où tu n’es plus.
Où de ma pensée je t’exclue.
Il faut ce biais de chaque instant,
Coup d’œil inquiet, j’échappe à temps.

Aux uns suffirait d’être ailleurs,
Agis vers une issue meilleure ;
Où d’autres iront d’un pas contraire
En plein sillon ce mal extraire.

On n’est pas moins lâche en restant,
Que d’emprunter chemin distant.
L’impasse est double, aussi mon choix
Tient de quel trouble opère en moi.

Je jette un sort à mon fléau.
Que lui revienne enfin l’écho
De son présage en bienveillance,
À mon visage échu d’avance.

Et j’en appelle aux idéaux,
Lâchés depuis, tombés de haut…
Rendez séquelle aux sans regrets,
Qui scellent en puits l’aimant secret.

Je reste un souhait dans ton oubli.
Trait d’inconscient me rétablit.
Te surprendrais-je à me cibler ?
Œil insouciant, tu vois troublé.

(Tableau : Egon Schiele – « Holding hair »)

« Merci d’être vivant. »

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Ne rien faire en particulier,
Autre que d’en faire trop.
Pourquoi devrais-je esprit relier
À ce jour en fardeau ?

Sachons plutôt ne rien changer
Qui s’offre à l’inertie.
On encourt un plus grand danger
À céder au sursis.

N’attendre aucun présent du ciel
Ou promesse en repos.
M’éclaire, aussi providentiel,
Un gratifiant propos :

Simple « merci d’être vivant »,
Surprends-je à mon égard.
Hommage inescompté, souvent,
Ne tient qu’au gré d’un soir.

Et s’il faut trouver récompense,
Ou d’un répit, bienfait,
Me savoir utile évidence,
A bien meilleur effet.

N’avertir au calendrier
Qu’être fidèle à soi.
Tiens-je au rappel à l’encrier
Qu’un temps j’eus prime espoir ?

Au prix d’un long soupir adulte,
Ai-je à répliquer « non ».
À d’autres, bonheur et son culte :
Enfant, m’astreint ton nom.

S’il me faut trouver réjouissance,
Un pas plus loin suffit.
N’éprouvez dans ma réticence
Aucun blâme ou défi.

Combien verraient mieux s’en passer,
Ont fausse exaltation.
Prenant sur eux de ne froisser
Chez d’aucuns, tradition ?

Combien s’abîment au point d’ancrage
Où l’ordre s’établit.
Eux n’ont que solitude et rage,
À battre en ce repli.

Ne rien faire en particulier,
Si blanchir un tableau,
Seul en cette occasion dédiée
Vaut à demain sanglot.

N’attendre aucun présent du ciel,
Et plus que tout repos,
Doux mot résonne existentiel
À qui tend son chapeau.

« Merci d’être vivant »,
Comprends-je à ce regard.
Hommage étreint souvent
De vibrer un peu tard.

(Tableau : Edvard Munch – « Eye in eye »)

(Être) une page sans fin

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Tu voudrais que cette page en vienne à tourner seule…
Et tienne au vent léger d’apprêter son linceul.
À peine un courant d’air, aussitôt le rabat,
_ Quand c’était juste hier, du pli sur nos ébats.

Tu voudrais que dette passe, au premier chant du deuil.
Empreintes à effacer : mieux, retourner la feuille.
On priera de se taire, implorant, l’au-delà,
Or chemin reste à faire : comment survînt le glas ?

Mémoire insiste, où vision cesse.
Aucun repos n’éteint la cendre.
Émoi résiste au train qui presse,
Un dernier mot, lettre aux cassandres.

Il te siérait de n’être otage ainsi d’un autre cœur ;
Et flottant, ce feuillet d’histoire essuie rancœur.
À redonner sa chair au flambeau ceint d’éclats,
Atteint-il être cher, où lui ne saignait pas ?

Feindrais-tu que cette page oscille en ta main seule,
Et vienne à ton regret d’en arracher le seuil…
Aimé.e, crois-tu défaire en parenté deux âmes ?
Apprends qu’un jet de terre n’a su courber la flamme.

(Tableau : Edward Hopper – « Compartiment C, Voiture 293 »)

 

Les gens me préfèrent en perdant.

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Au fond j’ai souvent fréquenté ces gens
Qui dans la vie me préféraient perdant.
Soit qu’on ne voulait me promettre à mieux,
Ou qu’on me vît peut-être égal en cieux.

Et j’échouerais d’autant plus à ma gloire,
En prenant goût d’ainsi leur en vouloir.
À ces yeux qui d’un clin vous reconnaissent,
On tait que notre ambition si tôt baisse.

Alors en devient tel un poids gênant,
Ce faire aveu d’insuccès dominant ;
Sinon le fruit d’un élan réciproque,
Autant se dire à bien mauvaise époque.

Il n’est pourtant la moindre indignité
À fuir au chant de sa pérennité.
Entretiendrais-je un fond de complaisance,
On m’ancre à ce sillon depuis naissance.

En coin, j’ai d’abord attiré ceux-là,
Qui de mes illusions prônaient le glas.
M’identifiant comme un voisin d’échec,
Ou pressentant mon futur intrinsèque.

Et j’aurais beau déplaire aux préjugés,
Croire un augure exempt de messagers,
Si d’aucuns me projettent à fins réduites,
Ai-je autre instinct que loin d’eux trouver fuite ?

En soi je n’ai reconnu mon pendant,
Qu’en ces regards où j’avançais perdant.
Et m’en tiendrais seul attitré coupable,
Aurait-on su m’épargner tant de fables…

Une est tenace à croire honorifique,
Un statut d’infortuné « magnifique ».
En l’idéal on voudrait son bonheur,
Aime à vrai dire en lui ce ton mineur.

Et l’âge imprègne une authenticité
Creusant l’épreuve à terme en société.
Déjà que n’est plus temps d’une autre chance,
Aigrit de n’avoir eu première audience.

Au plus on bat contre emprise extérieure,
Et moins nous promet-elle à vie meilleure.
En équilibre on tient d’être à ce pas :
Ni résister, ni suivre, acter son cas.

Irais-je en tort à fréquenter ces gens,
Qui volontiers me préfèrent en perdant ?
Le choix s’impose, au demeurant succinct :
Trahison de nos proches ou d’un dessein.

Tableau (détail) : Edward Hopper – « Nighthawks »

Au masculin de « muse »

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Le sujet prend racine, aimable digression ;
Peut-être y vois-je un signe, ou dérision m’amuse
À pointer que n’existe en courante expression
_ Dite à présent sexiste, un masculin de « muse ».

Est-ce en l’état réduire au strict féminin
Le propre d’influer sur une œuvre, un esprit,
Et ce que dame inspire en sève ou don divin,
Comme un talent muet, chez l’homme on n’a inscrit ?

Abandonner ce terme, en désigner un neuf ?
Au moins qu’on ne l’enferme à demeure en cliché.
L’abréger de son « e » produirait un mot veuf,
Assonant peu gracieux, d’être en mâle affiché.

Sans bien me l’avouer, n’ai-je envie jamais eu
D’émouvoir un instant la plume ou le pinceau,
Qu’une autre main douée prendrait à mon insu
Et d’un recoin distant, marquerait tel un sceau…

Frustré, l’homme en artiste, au fond l’est plus encore
À signer portraitiste en se rêvant modèle,
À certifier le beau sans paraître au décor,
Adoubé d’un flambeau qui se voudrait chandelle.

Ô, trahison du mythe ou d’un nom désuet,
Te vois-je ainsi, débat d’un soir évacué,
Me soumettre, insolite encore, une inversion :
Croquer après l’ébat, ma cambrure en torsion.

M’étreint l’humilité, grandit l’enjeu soudain…
Si l’œuvre éclot ratée, nu séant, je m’accuse.
Honneur étant, mon corps en pâlit néanmoins,
Qu’on lui voue cet accord au masculin de « muse ».

(Crédit photo : © Arkadie – 2010)

Le Cri de Munch, en flegmatique.

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Défilés de « moi, je » rétifs à l’ordre,
En vos rangs dissociés n’ai-je élu place.
À n’épouser l’enjeu commun des hordes,
Au flanc des sociétés la guerre est lasse.

Impressions futuristes abondent autour,
Étreignent à coup d’effroi mon nerf optique.
En dresser l’ample liste au bout du jour,
Rendrait esprit dix fois plus névrotique.

Ici vois-je un passant clamer sa vie,
Si c’en est une, à l’entrée de sa paume ;
Et d’un volume à cent, lointain, l’ami.e
Haut-parlant son mélo, plie au symptôme.

Dans ce café tranquille erre une enfant,
Vaquant de table en table, importunées ;
N’intervient parent qui le lui défende,
Eux la trouvant « sociable » abandonnée…

Un siège en extérieur et verre aux lèvres,
Au gré d’un pouce aimant l’info ciblée,
Venue de rentrer l’heure, ils portent, fière,
À son premier paiement l’enfant CB.

On s’affranchit d’un « bip » ou d’un pointage,
Et s’en réduit l’humaine interaction
Dans l’océan débit de nos partages,
Au seuil où l’imprévu n’ose effraction.

L’accès à vie courante est sous contrôle,
Un matricode enferme à quitte ou double,
Entre vues différentes et ceintes en pôles,
On dessine un long terme à vision trouble.

Or accusant tous deux même horizon,
Varie pourtant l’affection du visage,
À comparer l’anxieux d’inclinaison,
Face au taiseux d’un flegme en tout usage.

Ainsi je m’aperçois d’un blanc reflet,
Combien ce ton sérieux jure, en vitrine,
Avec un autre soi, tenu secret,
L’air affligé d’un pieu dans sa poitrine.

Aux œuvres de l’absurde un vent m’expose ;
Et n’arrondit ma bouche autre mimique
_ À défaut taciturne étant sa pose,
Que ce tableau de Munch, en flegmatique.

Innocemment promise à ma rencontre,
Opère une insidieuse aliénation ;
Sous l’oripeau des crises, aimant se fondre
En règles à tendancieuse imprécation.

Complice en dévoiement des libertés,
Qui prête à son abus d’un champ commun,
L’aplomb du sentiment d’illimité,
Que notre époque infuse au genre humain.

Spatiale, ou bien sonore et visuelle,
L’invasion du mépris vaut réciproque.
On travestit nos torts en rituels,
Et s’indigne à grand bruit que l’on suffoque.

Inattentif à l’autre, ombre en ces rues,
L’inconscient ne craint plus de méconnaître
Où le « bon droit » se vautre en choix intrus,
Tant que veille, à sa vue, prévenant être.

Et d’ensemble un tableau se décompose…
Inquiet, n’ai-je autre moue plus emphatique,
À l’orée des fléaux qui s’interposent,
Hormis ce cri de Munch, en lunatique.

Où mes yeux voient démence, eux l’accoutument…
Mais n’en vient à ma bouche un « oh » tragique.
Et non que ce tourment fût d’un coup tu,
Je suis le cri de Munch en flegmatique.