Dans mon oubli.

Egon Schiele - Holding hair

Je jette un souhait dans mon oubli.
Creux s’en résonne au fond du puits.
Vœu qui n’a donc voulu de moi,
Souffre en raison que je te noie.

Je veille à soigner mon déni.
L’horizon m’ancre à son dépit.
Vérité crue, d’un gant de soie,
Ta peau déchue je n’aperçois.

Je vise un angle où tu n’es plus.
Où de ma pensée je t’exclue.
Il faut ce biais de chaque instant,
Coup d’œil inquiet, j’échappe à temps.

Aux uns suffirait d’être ailleurs,
Agis vers une issue meilleure ;
Où d’autres iront d’un pas contraire
En plein sillon ce mal extraire.

On n’est pas moins lâche en restant,
Que d’emprunter chemin distant.
L’impasse est double, aussi mon choix
Tient de quel trouble opère en moi.

Je jette un sort à mon fléau.
Que lui revienne enfin l’écho
De son présage en bienveillance,
À mon visage échu d’avance.

Et j’en appelle aux idéaux,
Lâchés depuis, tombés de haut…
Rendez séquelle aux sans regrets,
Qui scellent en puits l’aimant secret.

Je reste un souhait dans ton oubli.
Trait d’inconscient me rétablit.
Te surprendrais-je à me cibler ?
Œil insouciant, tu vois troublé.

(Tableau : Egon Schiele – « Holding hair »)

Les gens me préfèrent en perdant.

Hopper_Particolare-Protagonista-spalle-Hopper-Nighthawks

Au fond j’ai souvent fréquenté ces gens
Qui dans la vie me préféraient perdant.
Soit qu’on ne voulait me promettre à mieux,
Ou qu’on me vît peut-être égal en cieux.

Et j’échouerais d’autant plus à ma gloire,
En prenant goût d’ainsi leur en vouloir.
À ces yeux qui d’un clin vous reconnaissent,
On tait que notre ambition si tôt baisse.

Alors en devient tel un poids gênant,
Ce faire aveu d’insuccès dominant ;
Sinon le fruit d’un élan réciproque,
Autant se dire à bien mauvaise époque.

Il n’est pourtant la moindre indignité
À fuir au chant de sa pérennité.
Entretiendrais-je un fond de complaisance,
On m’ancre à ce sillon depuis naissance.

En coin, j’ai d’abord attiré ceux-là,
Qui de mes illusions prônaient le glas.
M’identifiant comme un voisin d’échec,
Ou pressentant mon futur intrinsèque.

Et j’aurais beau déplaire aux préjugés,
Croire un augure exempt de messagers,
Si d’aucuns me projettent à fins réduites,
Ai-je autre instinct que loin d’eux trouver fuite ?

En soi je n’ai reconnu mon pendant,
Qu’en ces regards où j’avançais perdant.
Et m’en tiendrais seul attitré coupable,
Aurait-on su m’épargner tant de fables…

Une est tenace à croire honorifique,
Un statut d’infortuné « magnifique ».
En l’idéal on voudrait son bonheur,
Aime à vrai dire en lui ce ton mineur.

Et l’âge imprègne une authenticité
Creusant l’épreuve à terme en société.
Déjà que n’est plus temps d’une autre chance,
Aigrit de n’avoir eu première audience.

Au plus on bat contre emprise extérieure,
Et moins nous promet-elle à vie meilleure.
En équilibre on tient d’être à ce pas :
Ni résister, ni suivre, acter son cas.

Irais-je en tort à fréquenter ces gens,
Qui volontiers me préfèrent en perdant ?
Le choix s’impose, au demeurant succinct :
Trahison de nos proches ou d’un dessein.

Tableau (détail) : Edward Hopper – « Nighthawks »