Dans mon oubli.

Egon Schiele - Holding hair

Je jette un souhait dans mon oubli.
Creux s’en résonne au fond du puits.
Vœu qui n’a donc voulu de moi,
Souffre en raison que je te noie.

Je veille à soigner mon déni.
L’horizon m’ancre à ce défi.
Vérité crue, d’un gant de soie,
Ta peau déchue je n’aperçois.

Je vise un angle où tu n’es plus.
Où de ma pensée je t’exclue.
Il faut ce biais de chaque instant,
Coup d’œil inquiet, j’échappe à temps.

Aux uns suffirait d’être ailleurs,
Agis vers une issue meilleure ;
Où d’autres iront bien au contraire
En plein sillon ce mal extraire.

On n’est pas moins lâche en restant,
Qu’à poursuivre un trajet distant.
L’impasse est double, aussi mon choix
Tient quant au doute infus en moi…

Je jette un sort à mon fléau.
Que lui revienne enfin l’écho
De son présage en bienveillance,
À mon visage échu d’avance.

Et j’en appelle aux idéaux,
Lâchés depuis, tombés de haut…
Rendez séquelle aux sans regrets,
Qui scellent en puits l’aimant secret.

Je reste un souhait dans ton oubli.
Trait d’inconscient me rétablit.
Te surprendrais-je à me cibler ?
Œil insouciant, tu vois troublé.

(Tableau : Egon Schiele – « Holding hair »)

(Être) une page sans fin

Edward-hopper_compartimentC

Tu voudrais que cette page en vienne à tourner seule…
Et tienne au vent léger d’apprêter son linceul.
À peine un courant d’air, aussitôt le rabat,
_ Quand c’était juste hier, du pli sur nos ébats.

Tu voudrais que dette passe, au premier chant du deuil.
Empreintes à effacer : mieux, retourner la feuille.
On prie bas de se taire un si proche au-delà,
Oraison reste à faire, en sourdine à ce glas.

Mémoire insiste, où vision cesse.
Aucun repos n’éteint la cendre…
Émoi résiste au train qui presse,
Un dernier mot, freinez cassandres…

Il te siérait de n’être otage ainsi d’un autre cœur…
Et ce volet d’histoire en essuie ta rancœur,
À redonner sa chair au cordon ceint d’éclats,
D’une antérieure affaire insoumise au trépas ?

Feindrais-tu que cette page oscille en ta main seule,
Et vienne à ton regret d’en arracher le seuil…
Aimé.e, crois-tu défaire en parenté deux âmes ?
Apprends qu’un jet de terre n’a su courber la flamme.

(Tableau : Edward Hopper – « Compartiment C, Voiture 293 »)

L’absence au demeurant

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Encore une fois sorti dernier.
Déjà nous n’étions pas nombreux,
Sept occupants disséminés,
Trois couples et moi, solo d’entre eux.

Bientôt la fin du générique,
Un fond de Jean-Sébastien Bach.
Or rien ne me presse au portique,
Ainsi j’attends le noir opaque…

Au sein du hall, un plan désert.
En raison, la durée du film :
Un peu long ce documentaire,
Et plus le moindre cinéphile…

Aussi je reprends le couloir,
Afin d’accéder aux toilettes.
En l’écran cintré du miroir,
Y crois-je observer un squelette…

Idée me vient donc à l’esprit,
Qu’en traînant dix minutes encore,
À dépasser bientôt minuit,
Céans je pourrais faire le mort.

Au su de l’employé restant,
Paraîtrait que la salle est vide…
Alors absence au demeurant,
Cette occasion me rend avide.

Puisqu’on me laisse errer, fantôme,
Je prends le temps d’être oublié.
Comme un clochard élit royaume
À flanc de cartons empilés.

Ceux qui m’attendent au coin dehors,
Ombres du soir, autres égarés,
M’accorderont la métaphore,
Et l’illusion d’une échappée.

(Tableau : Edward Hopper – « New York Movie »)