Des stories avec les morts.

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Faire des stories avec les morts…
Au quotidien leur rendre un corps.

Il errait en vacances,
Et là dans son jardin.
Ne voyons décadence
À liker nos défunts.

Souhaiter l’anniversaire encore
À ceux qui vous manquent au décor.

Il approchait trente ans,
Elle en aurait quarante.
Et l’on vieillit d’autant
Qu’eux restent une invariante.

À les voir en montagne
Aussi bien qu’à la mer,
Absents nous accompagnent,
Égaux d’être éphémères.

Inviter sans savoir un mort,
En cochant son profil à tort.

Réponse « intéressé ».
Curieuse indécision
Venant d’un trépassé,
Louons sa rémission.

Qu’on débranche un mourant,
Ne peut désactiver
Son réseau perdurant,
De quoi le raviver…

Mettre un selfie d’avant sa mort.
Ivre, un peu flou, mais 100 « j’adore »…

On l’ignorait souvent,
Lui comptait peu d’amis.
Elle sortait plus avant…
Que devient sa famille ?

Peut-être « on aurait dû »,
Peut-être « on n’en sait rien ».
De vie, l’on s’est perdus,
En « vues », l’on s’entretient.

Faire des stories avec les morts,
Identifier comme un remord…

(Tableau : Egon Schiele – « Death and the maiden »)

« Merci d’être vivant. »

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Ne rien faire en particulier,
Autre que d’en faire trop.
Pourquoi devrais-je esprit relier
À ce jour en fardeau ?

Sachons plutôt ne rien changer
Qui s’offre à l’inertie.
On encourt un plus grand danger
À céder au sursis.

N’attendre aucun présent du ciel
Ou promesse en repos.
M’éclaire, aussi providentiel,
Un gratifiant propos :

Simple « merci d’être vivant »,
Surprends-je à mon égard.
Hommage inescompté, souvent,
Ne tient qu’au gré d’un soir.

Et s’il faut trouver récompense,
Ou d’un répit, bienfait,
Me savoir utile évidence,
A bien meilleur effet.

N’avertir au calendrier
Qu’être fidèle à soi.
Tiens-je au rappel à l’encrier
Qu’un temps j’eus prime espoir ?

Au prix d’un long soupir adulte,
Ai-je à répliquer « non ».
À d’autres, bonheur et son culte :
Enfant, m’astreint ton nom.

S’il me faut trouver réjouissance,
Un pas plus loin suffit.
N’éprouvez dans ma réticence
Aucun blâme ou défi.

Combien verraient mieux s’en passer,
Ont fausse exaltation.
Prenant sur eux de ne froisser
Chez d’aucuns, tradition ?

Combien s’abîment au point d’ancrage
Où l’ordre s’établit.
Eux n’ont que solitude et rage,
À battre en ce repli.

Ne rien faire en particulier,
Si blanchir un tableau,
Seul en cette occasion dédiée
Vaut à demain sanglot.

N’attendre aucun présent du ciel,
Et plus que tout repos,
Doux mot résonne existentiel
À qui tend son chapeau.

« Merci d’être vivant »,
Comprends-je à ce regard.
Hommage étreint souvent
De vibrer un peu tard.

(Tableau : Edvard Munch – « Eye in eye »)

L’absence au demeurant

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Encore une fois je sors dernier.
Déjà nous n’étions pas nombreux,
Sept occupants disséminés,
Trois couples et la moitié d’un deux.

Bientôt la fin du générique,
_ Un fond de Jean-Sébastien Bach,
Or rien ne me presse au portique,
Attends-je ainsi le noir opaque…

Au sein du hall, un plan désert.
En raison, la durée du film :
Un peu long ce documentaire,
Nul autre sortant à la file.

Aussi je reprends le couloir,
Afin d’accéder aux toilettes.
En l’écran cintré du miroir,
M’amuse à trouver un squelette.

Idée me vient donc à l’esprit,
Qu’en traînant dix minutes encore,
À dépasser bientôt minuit,
Ici je pourrais faire le mort.

Au su de l’employé restant,
Paraîtrait que la salle est vide.
En suis-je absence au demeurant ?
L’occasion m’a rendu avide…

Puisqu’on me laisse errer, fantôme,
Je prends le temps d’être oublié.
Comme un clochard fait son royaume,
D’une paire de cartons empilés…

Ceux qui m’attendent encore dehors,
Mendiants d’un soir, ou proches inquiets,
M’accorderont la métaphore,
L’illusion, belle, d’une échappée.

(Tableau : Edward Hopper – « New York Movie »)