Détester son prochain (pour qu’advienne le suivant)

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Détester son prochain, comme on tend au suivant,
Sans porter le regret de n’être issu d’avant.
On fait sien le progrès, à n’envisager mieux
Pour supporter l’instant, qu’un futur audacieux.

Ne voir rien à sauver contient le bienfaiteur.
J’étais si scrupuleux, j’aurais cerclé l’erreur…
À trouver circonstances, on met frein au dépit.
Détrônée, l’indulgence, a fait place au mépris.

J’avais saisi prétexte en l’inadéquation :
Que s’apprête à mon sort un pli de vocation.
Mais l’obligeant s’affecte à vouer sympathie ;
Comment tenir la porte et ne perdre empathie…

Détester son prochain, pour qu’advienne un suivant.
L’horizon n’est certain du nouvel arrivant…
Je laisse un temps surseoir l’appel du lendemain,
Quand l’intrusion d’un soir, ici me tend la main.

Mais si tôt je mesure l’inanité des sens,
Ô combien éphémère, l’expédient à l’absence…
Unique en son recoin, l’altérité prend norme.
On la veut contrepoint, son milieu la conforme
.
Faut-il oser alors en dernier entendement,
Détester son prochain, sacrifier au suivant
Le droit de naître enfin, l’ouvrage d’être vivant.

Faut-il oser alors, en dernier sacrement,
Eu égard à l’humain, le transcender à temps… ?

L’absence au demeurant

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Encore une fois sorti dernier.
Déjà nous n’étions pas nombreux,
Sept occupants disséminés,
Trois couples et moi, solo d’entre eux.

Bientôt la fin du générique,
Un fond de Jean-Sébastien Bach.
Or rien ne me presse au portique,
Ainsi j’attends le noir opaque…

Au sein du hall, un plan désert.
En raison, la durée du film :
Un peu long ce documentaire,
Et plus le moindre cinéphile…

Aussi je reprends le couloir,
Afin d’accéder aux toilettes.
En l’écran cintré du miroir,
Y crois-je observer un squelette…

Idée me vient donc à l’esprit,
Qu’en traînant dix minutes encore,
À dépasser bientôt minuit,
Céans je pourrais faire le mort.

Au su de l’employé restant,
Paraîtrait que la salle est vide…
Alors absence au demeurant,
Cette occasion me rend avide.

Puisqu’on me laisse errer, fantôme,
Je prends le temps d’être oublié.
Comme un clochard élit royaume
À flanc de cartons empilés.

Ceux qui m’attendent au coin dehors,
Ombres du soir, autres égarés,
M’accorderont la métaphore,
Et l’illusion d’une échappée.

(Tableau : Edward Hopper – « New York Movie »)

C.H.R.

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Rendez-vous m’est fixé, deuxième étage – aile gauche.
Métro, puis marche pressée ; pour un peu l’on me fauche
En ma fleur passée d’âge, aussitôt balayée,
Sans savoir quel dommage, le scanner eût livré.

S’offrent à moi plusieurs portes aux verrous incertains,
Mais le plan me conforte : arrivée plus très loin.
Pour autant je dérive, impuissant à frayer
Le chemin d’une esquive à cet acte manqué.

Hôpitaux et cliniques font succession d’accueils.
J’en contiens ma supplique, avoisinant leur seuil.
On m’aiguille de travers, moi qui perd souvent nord…
De virages en revers, qui peut m’attendre encore ?

Près d’une heure a passé, je cavale pour l’honneur.
Un semblant d’inachevé, prend pitié de mon cœur.
Au fond du labyrinthe, j’entrevois les urgences,
Reconnais mon empreinte, tout n’est que résurgence…

Viendrais-je sceller mon sort au ciment d’Hippocrate,
Comme en dernier ressors, le peuple à l’autocrate… ?
Que cette allée au moins me dise enfin son nom.
S’il faut craquer soudain, où dois-je toucher le fond ?

L’alentour devient ville, j’en éprouve le tracé.
Les soignants y défilent, ordonnant les soignés.
Ne lui manque qu’une église, des commerces, un café.
Au fronton sa devise, « nul n’est jamais parfait ».

Persévérant, j’accède au point d’entrée voulu.
Mais comme on brandit, tiède, le flambeau du vaincu…
Rendez-vous ajourné, deuxième étage – aile gauche.
Par déni ou délai, se soustraire à la fauche.

Six jours

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On t’a donné six jours, qu’as-tu refait du monde ?
Le congé n’a payé, ni révision, ni fronde.
Il faudrait reposer, en paix de toute conscience,
À ces drames au long cours, imposer ton silence.

On t’a fait naître ancien, d’illusions moribondes.
Ah, ton siècle irait loin, porté de bras en ondes…
Et puis demain s’attarde, il te bannit d’avance
Du courant de l’histoire, sans même une autre chance.

On t’annonce en présage, à te voir éperdu,
Qu’à tirer sur la corde, elle décroche un pendu.
Vois comment tu sabordes un temps de rémission,
Par un fâcheux dosage en contre-indications.

On t’accorde une semaine, tu veux perpétuité.
Pour solde de tout compte, moins quelques annuités…
Quand point le jour septième, te pressant d’accomplir
Autant qu’un homme escompte, ainsi voudrais-tu fuir ?

On t’a donné six jours, et qu’as-tu fait du monde,
Enfin passée l’idée qu’en ton sens il abonde…
Arrive à destinée ton errance inféconde..