Le tour de cette ville.

« J’ai fait le tour de cette ville« , de ces gens, de tous mes nerfs,
Et pourtant reste quelque fil obstinément qui m’y réfère.
On ne s’étonne à ma figure, en d’autres temps parue si vierge.
Il n’est plus fissure en l’armure, où l’insouciance émerge.

Aussitôt la sentence ébruite un écho familier :
Quand périt l’accointance, à l’endroit qui nous tient relié.
Cent fois, n’ai-je entendu, cet air aux quatre vents,
« Jamais plus, jurais-tu, déjà le coup d’avant ».

Combien j’ai pris de cet hiver en trop, donné fatal ?
On s’en fraye de moins pires, ainsi prévaut l’élan vital.
Un nouveau cycle advient _ d’emploi, d’appartement,
Se raffermit le lien, s’ensuit l’attardement.

L’un se voyait partir, « exit » avant la fin d’année.
L’autre avoue s’en sortir, et n’en vit pas moins condamné.
Brève est souvent l’idylle ; au fond l’accoutumance urbaine
Où que l’on prenne exil, y tient à dépendance humaine.

« J’ai fait le tour de cette ville« , ainsi j’entends sonner de pair
Un autre discours intranquille, et ne veux tendre à m’y complaire.
À cet égal en dissidence, un doux rappel est bénéfique ;
En ses mots frappe une évidence : il réitère à l’identique.

Et me voilà saisi d’un vœu soudain contraire,
Intuition m’est qu’ici demeure encore à faire.
En moi n’ai-je eu pourtant, cent fois, comme un serment,
Le présage éclatant qu’arrivait l’achèvement ?

« J’ai fait le tour de cette ville« , de mes chances, on tire au clair ;
Et je m’accroche indéfectible, en due conscience, au dernier verre.
Il n’est de piège ou bon augure à suivre où son esprit converge.
On est sortant que d’être sûr enfin qu’ailleurs émerge.

(Être) une page sans fin

Edward-hopper_compartimentC

Tu voudrais que cette page en vienne à tourner seule…
Et tienne au vent léger d’apprêter son linceul.
À peine un courant d’air, aussitôt le rabat,
_ Quand c’était juste hier, du pli sur nos ébats.

Tu voudrais que dette passe, au premier chant du deuil.
Empreintes à effacer : mieux, retourner la feuille.
On prie bas de se taire un si proche au-delà,
Oraison reste à faire, en sourdine à ce glas.

Mémoire insiste, où vision cesse.
Aucun repos n’éteint la cendre…
Émoi résiste au train qui presse,
Un dernier mot, freinez cassandres…

Il te siérait de n’être otage ainsi d’un autre cœur…
Et ce volet d’histoire en essuie ta rancœur,
À redonner sa chair au cordon ceint d’éclats,
D’une antérieure affaire insoumise au trépas ?

Feindrais-tu que cette page oscille en ta main seule,
Et vienne à ton regret d’en arracher le seuil…
Aimé.e, crois-tu défaire en parenté deux âmes ?
Apprends qu’un jet de terre n’a su courber la flamme.

(Tableau : Edward Hopper – « Compartiment C, Voiture 293 »)