Au masculin de « muse »

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Le sujet prend racine, aimable digression ;
Peut-être y vois-je un signe, ou dérision m’amuse
À pointer que n’existe en courante expression
_ Dite à présent sexiste, un masculin de « muse ».

Est-ce en l’état réduire au strict féminin
Le propre d’influer sur une œuvre, un esprit,
Et ce que dame inspire en sève ou don divin,
Comme un talent muet, chez l’homme on n’a inscrit ?

Abandonner ce terme, en désigner un neuf ?
Au moins qu’on ne l’enferme à demeure en cliché.
L’abréger de son « e » produirait un mot veuf,
Assonant peu gracieux, d’être en mâle affiché.

Sans bien me l’avouer, n’ai-je envie jamais eu
D’émouvoir un instant la plume ou le pinceau,
Qu’une autre main douée prendrait à mon insu
Et d’un recoin distant, marquerait tel un sceau…

Frustré, l’homme en artiste, au fond l’est plus encore
À signer portraitiste en se rêvant modèle,
À certifier le beau sans paraître au décor,
Adoubé d’un flambeau qui se voudrait chandelle.

Ô, trahison du mythe ou d’un nom désuet,
Te vois-je ainsi, débat d’un soir évacué,
Me soumettre, insolite encore, une inversion :
Croquer après l’ébat, ma cambrure en torsion.

M’étreint l’humilité, grandit l’enjeu soudain…
Si l’œuvre éclot ratée, nu séant, je m’accuse.
Honneur étant, mon corps en pâlit néanmoins,
Qu’on lui voue cet accord au masculin de « muse ».

(Crédit photo : © Arkadie – 2010)

Le Cri de Munch, en flegmatique.

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Défilés de « moi, je » rétifs à l’ordre,
En vos rangs dissociés n’ai-je élu place.
À n’épouser l’enjeu commun des hordes,
Au flanc des sociétés la guerre est lasse.

Impressions futuristes abondent autour,
Étreignent à coup d’effroi mon nerf optique.
En dresser l’ample liste au bout du jour,
Rendrait esprit dix fois plus névrotique.

Ici vois-je un passant clamer sa vie,
Si c’en est une, à l’entrée de sa paume ;
Et d’un volume à cent, lointain, l’ami.e
Haut-parlant son mélo, plie au symptôme.

Dans ce café tranquille erre une enfant,
Vaquant de table en table, importunées ;
N’intervient parent qui le lui défende,
Eux la trouvant « sociable » abandonnée…

Un siège en extérieur et verre aux lèvres,
Au gré d’un pouce aimant l’info ciblée,
Venue de rentrer l’heure, ils portent, fière,
À son premier paiement l’enfant CB.

On s’affranchit d’un « bip » ou d’un pointage,
Et s’en réduit l’humaine interaction
Dans l’océan débit de nos partages,
Au seuil où l’imprévu n’ose effraction.

L’accès à vie courante est sous contrôle,
Un matricode enferme à quitte ou double,
Entre vues différentes et ceintes en pôles,
On dessine un long terme à vision trouble.

Or accusant tous deux même horizon,
Varie pourtant l’affection du visage,
À comparer l’anxieux d’inclinaison,
Face au taiseux d’un flegme en tout usage.

Ainsi je m’aperçois d’un blanc reflet,
Combien ce ton sérieux jure, en vitrine,
Avec un autre soi, tenu secret,
L’air affligé d’un pieu dans sa poitrine.

Aux œuvres de l’absurde un vent m’expose ;
Et n’arrondit ma bouche autre mimique
_ À défaut taciturne étant sa pose,
Que ce tableau de Munch, en flegmatique.

Innocemment promise à ma rencontre,
Opère une insidieuse aliénation ;
Sous l’oripeau des crises, aimant se fondre
En règles à tendancieuse imprécation.

Complice en dévoiement des libertés,
Qui prête à son abus d’un champ commun,
L’aplomb du sentiment d’illimité,
Que notre époque infuse au genre humain.

Spatiale, ou bien sonore et visuelle,
L’invasion du mépris vaut réciproque.
On travestit nos torts en rituels,
Et s’indigne à grand bruit que l’on suffoque.

Inattentif à l’autre, ombre en ces rues,
L’inconscient ne craint plus de méconnaître
Où le « bon droit » se vautre en choix intrus,
Tant que veille, à sa vue, prévenant être.

Et d’ensemble un tableau se décompose…
Inquiet, n’ai-je autre moue plus emphatique,
À l’orée des fléaux qui s’interposent,
Hormis ce cri de Munch, en lunatique.

Où mes yeux voient démence, eux l’accoutument…
Mais n’en vient à ma bouche un « oh » tragique.
Et non que ce tourment fût d’un coup tu,
Je suis le cri de Munch en flegmatique.

What is lost, and what must be won.

What is lost, and what must be won.
(Photo by Escape Fantasy)

 

Now’s the time for us to accept
That what is lost is better at rest.
In hours and days,
We acknowledge the cost.
Yet how to repay
For what you lack the most,
Why dream you had stayed
In these arms of your host,
When it don’t make a difference,
You’re ten lives away…
It is gone in the distance,
You just followed your way.

Then here comes the time for you to incline
To the feeling of loss
And not having a choice,
Even still it resounds familiar in tune,
And you’ve been here before,
So, you must be immune,
In truth you had more than just no other way,
But you needed to feel it could stop any day.

Now you’re reaching the point
When you’d better assume
How, from this dawn until the last you consume,
All you didn’t once do, as bridges you burn,
All you couldn’t live through, however returns.
It’s your every day’s due, now what must be won.
And no further rescue if damage is done.

Everything gets old nowadays.

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Everything gets old nowadays.
Aging faster than it used to be,
Or we just felt agreed.
Aging faster from a week to another,
Even from the last till the next hour.
Habits get older as quick as they come,
Our best behaviour tomorrow’s bygone.
In a reset of thoughts do we find a new shelter,
And by playing the ghosts, can we manage to linger.

Everything’s past in a few days,
Whatever the mood, or emotional phase.
It burns out way fuller, blows sooner to decay,
Than it sure would at first or only months away.
And there’s a hunger and thirst always willing to grow ;
Yet the moment it bursts you don’t want it to slow,
Then consume all it’s worth, and now older it shows…

But you know, these days,
Everyone changes anyways.
Faster than a postcard,
Than whatever nice people say.
And there’s a reason your hair would suddenly gray,
Only time is made such a bitter reward,
You wish it never would catch you off guard…

But everything gets old nowadays.
Way faster than it used to,
Or we once knew.
Faster from a dreaming to its nightmare,
From hope to despair.
Until it don’t even seem you just might care.

I didn’t wave goodbye to yesterday,
More, I forgot which was the day.
Don’t know what this life used to be,
The chain is set apart from me.

No word was told, one passed the other by.
Is it too old for us to even try ?
Who’d say hello ? That’s from another time.
The way things go, now’s everybody’s crime.

And life would spin along, just as an endless play,
These years of turning wrong, we knew might have a stay.
I never waved goodbye to yesterday,
It was so long departed anyway.
Nor even cried so much for the old world,
It left too many wishes never heard.

Ton flair darwinien (m’aurait-il désigné par erreur ?)

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S’il te revient de choisir un plus fort, un maillon résistant,
Toi, seule à enfanter depuis la nuit des temps.
S’il te revient de corps, et mieux, d’assentiment,
La perpétuation des gènes en tout assortiment…

Si reste tien l’irréversible effort, ô combien méritant,
D’offrir à l’être humain ce chainon persistant,
Que t’appartient d’abord, à cœur ou par instinct,
De reproduire un spécimen, au prix d’autres destins.

M’en voudras-tu d’interroger alors, en ce ton révolu,
Ce qui me vaut peut-être à tort un certain dévolu ?
Mon horizon tracé contre sens à l’histoire,
Et n’ouvre aucun accès, juste un échappatoire…

…Il semble étrange au vu d’un tel accord entre nos phéromones,
Ainsi qu’on pût douter encore _ et ta peau me pardonne ;
En reste pourtant clair, à juger d’aujourd’hui,
Que tu poses un mystère en anthropologie.

Me sachant fruit d’un genre à faible essor, en l’époque étranger,
Non cet augure à meilleur sort, élu père ou berger,
Dis-moi, sans remettre en question ce dévouement flatteur,
Indûment porter à caution l’élan de son auteure ;
Se pourrait-il au fond que tu me veuilles impair,
Si darwinien, ton flair, en ferait-il erreur ?

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The world is full of good memories.

The world is full of good memories.

The world is full of good memories.
If you just find the one to share with,
Your life’s a functional myth.
And if today’s made of woes or tragedies,
Oh, you just stand by, it blooms in history.
The kind which you remember with heart and dignity.

It may of course not happen in your prime,
Even take thirty years to ring a fonder chime.
Only that’s what you learn anyway :
Sweet memories and good times,
Won’t cover the same day.

The world is full of past unbeaten works,
Of the best ever done job
That could possibly emerge,
And even drawn from yesterday,
Had never gone this relevant.

So if you don’t like these years,
Find another time to get along with,
At least for an hour,
Stop paying attention to all these buzzes going on,
When there’s nothing outthere you aspire to belong.

It may not raise any high hope,
But only if you mistake the praising
Of our finest achievements,
For a stiff rejection of tomorrow’s feats.
When at the end,
What faith or projection might we throw in the future,
Without the remembrance of a nearly perfect day,
An almost ideal song, novel, movie, poem…
Of a near final thought, vision, discovery…
An almost perfect love,
An almost pure living… ?

And the world is full of those memories,
Of our shining pictures in the gallery.
You remember wars, plagues, atrocities,
But they’re only one side of the story.

As the other is filled with reminders
Of whatever great scene early mattered.
Hence if it should be the last reason
That would bring your soul horizon,
If the future seems life prison,
As your days unfold like treason,
Dare refuse the part in your present,
Out of you the past is renascent.

Ce qu’on devient.

Ce qu'on devient.

Sait-on jamais ce qu’on devient,
Au yeux du monde, aux yeux des siens ?
Chemin étant, le moment vient
Où l’on oublie ce qui nous tient.

Dix ans passés, quinze, ou bien vingt,
Nous font se demander parfois,
De combien, vu d’une autre fin,
S’est mise à dévier notre foi ?

Témoin, l’ami nous veille à charge,
Encore au fait de nos errements.
Son pli des yeux trahit la marge
Opposant l’œuvré du serment.

Lui qui retient ce qui n’est plus,
Un temps confié, déchu depuis,
Sait qu’entre deux trains du vécus,
Plus l’un avance et l’autre fuit.

Voit-on jamais ce qu’on devient,
Aux yeux d’un pair, au goût des siens…
Chemin distant, le jour advient
D’envisager à quoi ça tient.

Au gré du hasard on découvre,
À notre insu d’un rien blessé,
Comment chez d’aucuns la vie s’ouvre,
Où l’on avait pris le fossé.

L’autre a souvent de qui tenir,
En cas d’échec où rebondir.
Et surtout premier se libère
Des maux d’esprit qui nous affairent.

Sait-on jamais ce qu’on devient
Aux yeux d’ailleurs, au nom des siens ?
Chemin frayant, l’endroit survient,
Quand ce regard en lui nous tient.

L’impensé frappe en nos détours ;
Un piéton mis à dépourvu
Sous-tend que la vie suit son cours,
En bien, en pire, en déjà-vu.

L’autre est marié.e, bientôt parent,
Ou ne sort plus tant comme avant.
Acté, le deuil en son vivant,
De qui fût notre égal au rang.

Sait-on jamais ce qu’on devient
Pour une époque, outre nos liens…
Chemin venant déjà demain,
S’impose en creux l’avis commun.

Tant qu’à nous soumettre à l’histoire,
Il nous tient d’en fixer la forme.
Au détail on est pris de croire,
À défaut d’endiguer la norme.

Eux qui s’épuisent en parallèles,
Oublient qu’en chaque œil, on dévie.
Et qu’entre deux lignées jumelles,
Une a tranché, l’autre suivi.

Croit-on jamais ce qu’on devient,
De si futile, au presque rien.
Chemin tombant, scintille enfin
L’écrin d’éternel en chacun.

Vingt ans sonnés, cinquante ou cent,
Nous rendront tort d’en être absent.
D’astreinte à vivre on se libère,
Autant briller avant poussière.

Et même enfui ce qui nous tient,
D’avance écrit notre inventaire,
En nous l’éclaire idée survient :
Se fourvoyer, peut être en bien.

The evening after Christmas Eve

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I like the evening after Christmas Eve,
When all sort of expectations that pressure anyone’s mind,
Whatever plans they made or dismissed,
Suddenly give way to the most timeless and peaceful night hours
We’ve had for months.

Then we can celebrate not having to show anything
More than respect and love for each other.
Out of any previous tension, longing, and suffering.
Then we could both, or willingly alone,
Or rejoining together,
Fall into an endless winter sleep,
Protected by the harmony of our deep nature,
Secured by the frame of this perfectly non-special evening.

It’s the modest eve,
Now we’re past the big one.
And we might even feel like those children,
Always a bit blue when Christmas gone.
But it’s such pure relief in truth
That our love is beyond complete,
And our bodies shape the most pleasant embrace
We could have dreamed of.

It’s the following night,
Few steps later.
As we gracefully surrender
To the simple joy of being at ease,
Free from the last and next oppression,
From the reign of urgency,
From another case of « do or disappear ».

It’s the evening after Christmas Eve,
And I know it will be gone as well.
And maybe sooner than I wish this year.
But for now let’s pretend
We’ve been touched by magic,
By an unknown blessing,

And we’ll dream the same dream
In a bed of good fortune.

Les gens veulent.

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Il leur faut des trottoirs où n’erre aucun obstacle,
Assène au coin du bar une intruse, agitée.
D’un enfant, l’impulsive expédie l’habitacle,
Afin que tourne en cycle un bruit d’hérédité.

Lui vient-il au bon sens inhérent, d’éviter
L’embarras qui l’offense à raison d’un virage ;
Ou peut-être d’un mot _ d’ordinaire usité,
Au client sis de dos, réclamer le passage… ?

Il leur faudrait pouvoir, en toute égalité,
Du moindre usage induire une ample faculté.
Certains, de s’émouvoir à première occasion,
Ne souffrant qu’insuffire entrave une inclusion.

Posons qu’être bien né ouvre à de plus grands cieux ;
Mais d’emblée si nos gênes entrainent un contentieux,
Jusqu’où peut-on rogner l’étalon d’un costume,
À tout destin qu’il vienne épouser l’amertume… ?

On réclame un présent lavé de son histoire ;
D’aucuns voudraient absents du marbre de leurs pères,
Le nom et la figure, emblèmes ostentatoires,
Que ces gisants impurs estampillent à notre ère.

Mais quelle œuvre incendier, qui promettre au néant ?
Sait-on comment dédier nos rues d’épreuve au temps ?
Hier éclate en vain, paré de blanc ou noir ;
Le panthéon survient d’où s’éteint la mémoire.

On désigne un coupable, un vraisemblant fautif.
Il n’est jamais pensable, empreint de son tourment,
Que l’instrument du tort soit notre esprit rétif,
Où s’échafaude encore un bas ressentiment.

Pour en arriver là, plusieurs ont dû faillir ;
Et l’encre du faux-pas recoupe assez d’empreintes,
À visée d’œil instruit, au point de rejaillir
En désunion des plaintes échues au temps qui suit.

Le peuple est un récit sans dénouement commun,
Chacun son territoire, ou qu’on en vienne aux mains.
Éprouver l’interstice entre deux libertés,
Nous laissait pourtant croire au vivre en société.

Désormais l’on se tranche au gré de chaque enjeu,
À ses voisins de branche on répond du même « je ».
Figurants d’un partage où l’entre-soi prévaut,
Celui de genre ou d’âge, de croyance et de peau.

Le peuple est un vestige, encombré d’orateurs
Exhumant son prestige, à défaut d’unité.
De s’en réclamer face à tout contradicteur,
Au signifiant de « classe », offre un champ limité.

Viser l’universel à portée d’horizon,
En l’étroit d’un regard éclairci de raison.
Qui veut pointer le ciel atténue ses lumières,
Évitons que s’égare un absolu trop fier…

Et d’irrespect urbain en cinglant désaccord,
Au ton d’un mot bénin, jusqu’à saignée des corps,
Est-ce un écrou fatal, au cadran d’une époque,
Infligeant que s’emballe un climat d’entrechocs ?

Le « peuple » ou « les gens » veulent, empressent à devenir.
Et l’après qu’on ne cueille, à terme il faut saisir.
Mais s’il advient que seul le fait d’être nation
Porte espoir ou orgueil, à nous la damnation.

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(Dessins originaux : © Franck Dudin)